Méthodes de traitement des données
Cortège des odonates
Ce chapitre présente la méthode de modélisation corrélative utilisée pour les espèces d’Odonates des lagunes du triangle landais.
1 Données de présence espèces
Les données de présence des odonates dans la région Nouvelle Aquitaine utilisées pour cette étude proviennent de l’Observatoire Aquitain de la Faune Sauvage (OAFS, https://observatoire-fauna.fr/). Les données de l’observatoire réunissent toutes les données de présence récoltées par des partenaires et centralisées dans la base de données de l’OAFS. Les données récoltées dans le cadre du programme sentinelles du climat sont incluses dans cette base de données.
Toutes les données de présence de d’odonates ont été extraites puis triées. Seules les données récoltées entre 1991 et 2020 localisées au minium à la maille de 1 km de la grille INPN (utilisée comme base pour toutes les variables des modèles corrélatifs de répartition) sont conservées. Les observations considérées comme des doublons probables ont été retirées de la base de données. Les observations dont la description s’arrêtait à la famille de l’espèce ont été retirées avant les analyses sauf pour les cas où une seule espèce de cette famille est considérée comme présente dans la zone d’étude. Dans ce cas, soit la famille a été gardée et considérée comme une espèce, ou bien les observations ont été fusionnées avec les autres observations de l’espèce (les observations Oxygastra Dale, 1834 ont été fusionnées avec les observations Oxygastra curtisii (Dale, 1834)). De plus, certaines observations de sous-espèces ont été fusionnées avec l’espèce dans les cas où peu de données existaient pour l’une des deux sous espèces ou les cas où les traits de vie des sous-espèces étaient proches : par exemple les observations d’Onychogomphus forcipatus forcipatus (Linnaeus, 1758) ont été fusionnées avec les observations d’Onychogomphus forcipatus (Linnaeus, 1758). Seules trois sous-espèces n’ont pas été fusionnées dans le jeu de données (Calopteryx splendens, Calopteryx splendens splendens, Orthetrum coerulescens, Orthetrum coerulescens coerulescens et Lestes virens, Lestes virens virens). Enfin, toutes les espèces dont le nombre de mailles avec une observation était inférieur à 20 ont été laissées de côté, le nombre d’observations étant trop faible pour produire un modèle fiable.
Au total, 71 espèces ont été conservées pour la modélisation corrélative de répartition dans la région Nouvelle Aquitaine, 68 pour des modèles généraux et 3 pour des modèles spécifiques.
Listes des espèces utilisées pour les modèles corrélatifs de répartition
2 Variables environnementales
Les variables environnementales sélectionnées pour les modèles se divisent en deux catégories : les variables climatiques et les variables d’occupation du sol ou de topographie.
Les variables climatiques utilisées proviennent des simulations ALADIN52 (CNRM 2014) obtenues sur le site de Météo France DRIAS. Les données sont à la résolution de 8 Km et les différents indices sont des moyennes mensuelles. La période du présent est définie par les années de 1991 à 2020 et les horizons futurs sont définis comme suit : Horizon 1 (H1) = 2021-2050, Horizon 2 (H2) : 2041-2070 et Horizon 3 (H3) : 2071-2100. Ces horizons ont été définis d’après les recommandations de Météo-France, qui préconisent pour ce type de données une durée de 30 ans afin de lisser les « bruits » dus aux simulations climatiques ]. Les simulations contiennent pour les années 2006-2020 des données prédites du scénario RCP 8.5 (hypothèse que la période présente se dirige vers ce scénario) et les données de 1991 à 2006 sont des simulations avec des données historiques. Pour chaque horizon, un scénario climatique RCP (Profils représentatifs d’évolution de concentration) est associé. Pour nos modèles, ils sont au nombre de trois et représentent chacun une trajectoire différente d’émissions et de concentrations de gaz à effet de serre, d’ozone et d’aérosols. Ces trajectoires sont modélisées à partir de différents scénarios d’évolutions socio-économiques (adaptation, réduction, stabilisation ou dépassement).
Dans une première étape, une série d’indices a été sélectionnée, parmi les plus susceptibles d’être importants pour les différentes espèces d’odonates. Ces indices mensuels ont ensuite été moyennés suivant sur l’année entière ou sur deux périodes de l’année :
- la phase où les individus sont principalement présents sous leur forme larvaire notée par convention « hiver » dans le nom des variables et qui comprend la période automnale et hivernale.
- la phase où les individus peuvent être présents sous leur frome d’imago notée par convention « été » dans le nom des variables qui comprend les saisons printemps et été.
Les variables d’occupation du sol ont été calculées à partir du CES Occupation des sols » (OSO) produit à partir d’images satellites (2019) d’une résolution de 25 m. Les 23 catégories ont été fusionnées en 11 catégories. Les variables sélectionnées pour les modèles sont les surfaces urbaines, les forêts (résineux et feuillus), les surfaces des cultures et les surfaces de prairies exprimées en pourcentage de couverture sur un pixel de 1 Km².
Les variables d’occupation du sol des milieux humides proviennent pour les plans d’eau de la BD TOPO ® Version 2.0. Ont été calculés par maille de 1km² le nombre de plan d’eau ainsi que la surface totale des plans d’eau. Les linéaires d’eau ont été déclinés en trois catégories petit, moyen et grand suivant l’importance du débit et exprimé en longueur total de linéaire d’eau par maille de 1 km².
La variable topographique sélectionnée est l’altitude (données IGN) (calculée à partir du modèle numérique de terrain, BD ALTI® Version 2.0).
Afin de limiter les corrélations entre les variables sélectionnées qui peuvent influencer les résultats des modèles, un test de corrélation de Spearman (p=0.05) a été réalisé entre chacun de ces indices. Des variables corrélées entre elles ont cependant été conservées comme recommandé par car les évolutions futures de chacune de ces variables peuvent être importantes pour les répartitions prédites. Toutes les variables ont été utilisées pour les modèles généraux des 68 espèces étudiées. En plus de ces modèles, des modèles spécifiques pour les trois espèces rares et patrimoniales des leucorrhines ont été créés. Pour cela seulement certaines variables ont été sélectionnées parmi celles présentes dans les modèles généraux : les variables de linéaires d’eau ainsi que des degrés-jours supérieurs à 30°C ont été enlevés pour ces modèles. Les Leucorrhines étudiées sont en effet connues pour être présentes dans des milieux lagunaires et la variable des degrés-jours supérieurs à 30°C montrait peu de variations pour la période présente dans la zone d’étude restreinte pour ces modèles.
Table des corrélations de Spearman sur les variables utilisées pour les modèles
Les variables climatiques sélectionnées évoluent suivant les différents scénarios et horizons utilisés pour l’étude du changement climatique. L’humidité relative (HR) en été pour le présent montre que les zones côtières, le massif central, ainsi que le département des Pyrénées-Atlantiques ont une humidité relative plus élevée que le reste de la zone d’étude. Ce schéma spatial se retrouve dans les scénarios et horizons futurs. En revanche, les valeurs d’humidité relative observées évoluent fortement suivant les cas. Pour tous les scénarios à l’horizon H1 les différences avec le présent sont minimes. Pour les autres horizons, une baisse globale de l’humidité relative est observée principalement en plaine. Le scénario RCP 8.5 montre le plus fort contraste avec le présent aux horizons H2 et H3 : dans le massif central l’humidité relative au présent est d’environ 80-85% tandis qu’il est de 65-70% pour l’horizon H3.
Évolution de la variable humidité relative (printemps-été) pour les différents scénarios-horizons
L’humidité relative (HR) en hiver (automne-hiver) pour le présent montre ainsi que le département des Pyrénées-Atlantiques à l’exception des Pyrénées ont une humidité relative moins élevée que le reste de la zone d’étude avec des valeurs d’environ 75%-80% d’humidité. Ce schéma spatial se retrouve dans les scénarios et horizon futurs. En revanche, les valeurs d’humidité relative observées évoluent fortement suivant les cas. Pour tous les scénarios à l’horizon H1 les différences avec le présent sont minimes. Pour les autres horizons, une baisse globale de l’humidité relative est observée principalement en plaine. Le scénario RCP 8.5 montre le plus fort contraste avec le présent aux horizons H2 et H3 en particulier dans le département de la Dordogne : l’humidité relative au présent est d’environ 82% tandis qu’elle est de 78% pour l’horizon H3. Les écarts sont cependant moins importants que pour la période été.
Évolution de la variable humidité relative (automne-hiver) pour les différents scénarios-horizons
La température moyenne en été (printemps-été) pour le présent montre ainsi que les deux massifs montagneux ont une température moyenne moins élevée que le reste de la zone d’étude avec des valeurs d’environ 10°C. Les départements de la Vienne et des Deux-Sèvres sont aussi moins chauds que l’ancienne région Aquitaine avec des températures moyenne d’environ 16°C contre 18-19°C. Ce schéma spatial se retrouve dans les scénarios et horizons futurs. En revanche, les valeurs de température relative observées évoluent fortement suivant les cas. Pour tous les scénarios à l’horizon H1 les différences avec le présent sont minimes. Pour les autres horizons, une diminution globale de l’humidité relative est constatée. Le scénario RCP 8.5 montre le plus fort contraste avec le présent aux horizons H2 et H3 en particulier avec une répartition des températures plus uniforme sur le territoire. Dans le massif central les moyennes de températures sont d’environ 18°C.
Évolution de la variable température moyenne été (printemps-été) pour les différents scénarios-horizons
La température moyenne en hiver (automne-hiver) pour le présent montre que les deux massifs montagneux ont une température moyenne moins élevée que le reste de la zone d’étude avec des valeurs d’environ 2-4°C. Les températures moyennes les plus élevées sont observées dans les zones côtières avec une moyenne d’environ 10-12°C. Les valeurs de température observées évoluent fortement suivant les scénarios-horizons. Pour tous les scénarios à l’horizon H1 les différences avec le présent sont minimes. Pour les autres horizons, une augmentation globale de la température est observée. Le scénario RCP 8.5 montre le plus fort contraste avec le présent aux horizons H2 et H3 en particulier avec une répartition des températures plus uniforme sur le territoire. Dans le massif central les moyennes de températures sont d’environ 7-8°C et de 14°C sur la côte atlantique (H3).
Évolution de la variable température moyenne hiver (automne-hiver) pour les différents scénarios-horizons
Les degrés-jours cumulés sur l’année pour le présent montrent des valeurs plutôt uniformes sur l’ensemble de la zone d’étude avec les Landes et le nord-est de la Gironde qui cumulent le plus de degrés (environs 10 degrés-jours). Les degrés jours les moins élevés sont observés dans les zones montagneuses avec des valeurs cumulées de 0 degrés-jours. Si une augmentation est constatée pour tous les scénarios-horizons, un contraste très important apparait pour le RCP 8.5 H3. Les valeurs entre le scénario RCP 4.5 H3 et le RCP 8.5 H2 sont similaires avec des valeurs d’environ de 20 à 40 degrés-jours en plaine. Le scénario RCP 8.5 montre une répartition des degrés-jours moins uniforme sur le territoire avec des cumuls allant jusqu’à 100 degrés-jours dans les Landes, la Gironde ou la Dordogne. Les zones côtières et montagneuses cumulent le moins de degrés-jours avec des valeurs 10 degrés-jours pour la côte et le massif central ainsi que des valeurs d’environ 5 degrés-jours dans les Pyrénées.
Évolution de la variable degrés-jours supérieur à 30°C (année) pour les différents scénarios-horizons
Les précipitations sur l’année pour le présent sont plus importantes dans la zone sud de la région (Pays Basque et massif pyrénéen) avec des valeurs de 1500mm à 2500mm. Les Landes ainsi que le Massif Central reçoivent des précipitations intermédiaires d’environ 1000mm à 1500mm de pluie par année. Si une diminution est constatée pour tous les scénarios-horizons le schéma spatial observé au présent reste de manière générale conservé. Pour le RCP 8.5 à l’horizon H3, le Pays Basque ne reçoit plus qu’environ 1300mm de pluie et la majeure partie du massif central seulement 1000mm. Le reste du territoire en plaine reçoit entre 500mm et 1300mm de pluie par année.
Évolution de la variable totalité de la pluie (année) pour les différents scénarios-horizons
Les variables d’occupation du sol utilisées montrent de larges zones avec des caractéristiques très différentes. Les zones de prairies sont situées principalement dans le massif central et le département des Deux-Sèvres. Les zones urbaines sont marquées principalement par les grandes villes de la région avec une densité générale en dehors des villes plus importante dans le pays basque, la Charente-Maritime et plus globalement les bords de l’estuaire de la Gironde et l’agglomération bordelaise. Les zones forestières sont principalement représentées par les forêts landaises ainsi que celles des deux massifs montagneux. Les zones de cultures sont situées en majorité dans l’ancienne région Poitou-Charentes, dans le Lot-et-Garonne ainsi que dans les Pyrénées-Atlantiques en basse altitude. Concernant les milieux humides, les plans d’eau d’une large surface sont représentés par les lagunes le long de la côte atlantique ainsi que dans une moindre mesure par des plans d’eau dans le massif central. En revanche, le nombre de plans d’eau est particulièrement important dans le marais poitevin puis dans les départements des Deux-Sèvres, la Haute-Vienne et le nord de la Dordogne. Les petits linéaires d’eau sont bien répartis dans la région Nouvelle Aquitaine avec quelques zones présentant une longueur totale moins importante en Charente et dans le sud de la Vienne principalement. Les linéaires de moyen débit sont présents également sur le territoire et les grands linéaires représentent les principales rivières de la région.
Variables d’occupation du sol de hors milieu humide
Variables d’occupation du sol des zones humides
3 Modélisation
Toutes les analyses ont été faites avec le logiciel R (version 3.6.3, R Core Team, 2020). Les modèles ont été réalisés avec le package BIOMOD2 (version 3.4.6, ) qui permet de faire des modèles d’ensemble à partir de différents algorithmes et simulations. Pour cette étude, les algorithmes GLM, RandomForest et Maxent ont été sélectionnés et pour chaque algorithme trois répétitions ont été effectuées afin d’évaluer la performance (80 % des données pour l’entraînement du modèle et 20% pour l’évaluation). Les points de fond ont été générés aléatoirement sur la zone d’étude Nouvelle Aquitaine (n=10 000). Afin de limiter les effets du biais d’échantillonnage et de l’autocorrélation, les données d’observation ont été réduites spatialement à l’aide du package spThin version0.2.0 dans une fenêtre de 10km. Cette méthode permet d’optimiser le nombre d’observations nécessaire pour les modèles, en gardant le nombre maximum d’observation possible suivant le nombre initial d’observation, leur répartition et la distance souhaitée. Cette méthode permet pour les espèces avec peu d’observations d’en garder un nombre suffisant pour les modèles (> 20 observations) de manière automatique contrairement aux méthodes qui consistent à garder uniquement un certain nombre d’observation par mailles. Le seuil pour la création des modèles d’ensemble a été choisi comme le quantile 0,5 des valeurs TSS des 24 modèles individuels créés. Si tous les modèles ont une valeur TSS inférieure à 0,4 alors aucun modèle d’ensemble n’est créé car les modèles individuels ne sont pas assez performants. Les modèles d’ensemble représentent la moyenne des prédictions des modèles individuels pondérée par la performance de chacun des modèles. Les prédictions pour la région Nouvelle Aquitaine ont été réalisées pour le présent et pour chaque scénario horizon. Ces prédictions sont exprimées en probabilité relative comprise entre 0 (plus mauvais habitat) et 1 (meilleur habitat). De ces prédictions, des cartes de présence/absence sont aussi créées avec comme seuil TSS (fonction rangesize du package BIOMOD2). Ainsi, le nombre de mailles occupées par les espèces a pu être calculé pour le présent et chaque scénario-horizon. Ces cartes ont aussi été utilisées pour connaître le nombre de mailles passant de présent à absent (perte), d’absent à présent (gain).
Des modèles spécifiques ont été créés pour trois espèces rares et patrimoniales de région Nouvelle Aquitaine : Leucorrhinia caudalis, Leucorrhinia pectoralis, Leucorrhinia albifrons. Ces modèles spécifiques ont pour particularité d’être centrés sur des départements où ces espèces sont présentes : les Landes et la Gironde. Un buffer de 10km a été appliqué afin de prendre en compte toutes les observations de ces espèces. Cependant, certaines observations situées au nord du département de la Vienne n’ont pas été utilisées pour ces modèles.