Démarche de recherche
1 Ecologie du changement climatique : un nouveau concept en devenir
L’émergence de sous-branches de l’écologie liées aux activités anthropiques est relativement récente. Par exemple, sous l’impulsion de l’écologie du paysage et de la biologie de la conservation, la recherche sur les effets des routes sur les écosystèmes et les paysages est en pleine progression depuis ces dernières années .
La publication du livre des américains , a marqué la consolidation de ce nouveau concept d’« écologie de la route ». Les auteurs s’appuient sur les preuves existantes, croissantes qui démontrent que les routes ont des effets négatifs sur les composantes, les processus et les structures de l’écosystème, et que les causes sont autant liées à la pression de l’ingénierie, qu’à l’aménagement du territoire et à la politique des transports (forces motrices) .
En comparaison avec l’écologie de la route, les connaissances sur les conséquences du changement climatique sur la biocénose sont encore plus récentes et datent des années 1990. Le concept d’écologie du changement climatique n’existe pas encore à notre connaissance. Ce rapport montre des éléments des impacts à court et long terme, de leurs niveaux négatifs ou positifs, de leurs caractères directs, indirects et induits sur les espèces animales, végétales et les divers écosystèmes. Rappelons que les causes sont liées à l’ensemble des pressions des activités anthropiques, ce qui complexifie l’étude des effets liés uniquement au changement climatique.
Comme pour l’écologie de la route, l’écologie du changement climatique est ainsi ancrée dans une approche pluridisciplinaire à l’interface principalement entre l’écologie et la climatologie.
L’écologie du changement climatique fait ainsi appel à plusieurs sciences biologiques interdépendantes, allant de la description des systèmes (botanique, zoologie, biologie des populations, démo-écologie, synécologie) jusqu’à l’étude des perturbations anthropiques (écotoxicologie, écologie du paysage, écologie urbaine, restauration écologique). Cela nécessite des efforts de cohérence pour mettre en place des méthodes, des référentiels partagés pour aborder ou poursuivre les recherches existantes.
Figure 2 : L’écologie du changement climatique parmi les sciences de l’écologie et la climatologie.
2 Cadre “ Combined SWOT–DPSIR Analysis "
Pour décrire les relations complexes entre la société et l’environnement, un cadre possible de raisonnement est de se baser sur le modèle d’analyse dit « DPSIR » (Driver-Pressure-State-Impact-Responses) pour avoir une méthode pour la compréhension des synergies entre les effets du changement climatique et les processus écologiques.
Figure 3 : Modèle d’analyse « Combined SWOT–DPSIR Analysis » pour la pression changement climatique.
Datant de 1995, ce modèle est reconnu par l’Agence européenne de l’Environnement et il inclut également les actions politiques et de gestion, de restauration . Il permet de décrire les origines, les causes et les conséquences. Le système initial « DPSIR » reste simple, plutôt linéaire et « statique ». Des compléments ont été proposés pour le transformer en un cadre dit « Combined SWOT–DPSIR Analysis », avec SWOT pour Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats. Il introduit alors la résilience et la vulnérabilité. Il ajoute un comportement intrinsèque du milieu qui n’est plus qu’un état décrit mais aussi un état vivant, il intègre alors un comportement global « dynamique », devient non linéaire et permet d’insérer les indéterminations .
2.2.1. « Driver-Pressure »
Une première étape détermine l’ensemble des grands domaines des origines des perturbations sur les éléments naturels du paysage. Les « Driver » ou « D » correspondent aux forces motrices ou activités anthropiques. Ces forces motrices entrainent des pressions « Pressure » ou « P ». Le changement climatique est une composante de pression sur la biodiversité principalement liée à l’émission des gaz à effet de serre provenant de diverses activités humaines : Urbanisation/transport, Industrialisation, Agriculture/sylviculture, Tourisme/Loisir.
2.2.2. « State »
La deuxième étape concerne le suivi de l’état des écosystèmes naturels en fonction de la présence des espèces animales ou végétales qui y vivent et soumises à des pressions, dont l’évolution du climat. Les espèces sont considérées comme des fonctions qu’elles assurent au sein de l’écosystème.
Une méthode pour mesurer indirectement des phénomènes complexes tels que les impacts du changement climatique sur le fonctionnement des écosystèmes est de s’appuyer sur des indicateurs cohérents. Ils ont pour fonction de décrire, distinguer, simplifier, agréger, prédire et évaluer les impacts de l’activité humaine sur l’environnement . L’objectif d’utilisation de ces indicateurs est d’évaluer certains états par le recueil de données nécessaires à la description des milieux analysés, à l’identification et à la quantification ultérieure des impacts. La définition d’un état de référence est une donnée nécessaire qui ne peut qu’être relative. Cet état particulier fait appel à des critères ou attributs, qui sont des caractéristiques de l’entité étudiée et sur lesquels l’évaluation est fondée. Les indicateurs sont des variables quantitatives ou qualitatives relatives aux critères retenus .
Les indicateurs d’état des écosystèmes naturels retenus dans le programme concernent des espèces ou groupes d’espèces de flore et de faune caractéristiques des écosystèmes naturels étudiés. Comme nous l’avons déjà mentionné, le choix des indicateurs biologiques s’est porté sur des espèces à mobilité réduite. L’hypothèse est que ces espèces sont dans l’incapacité de s’enfuir de la zone climatique bouleversée. Elles devront s’adapter ou disparaitre.
Pour développer des indicateurs d’espèces sentinelles du climat, une première étape est de s’appuyer sur la connaissance bibliographique pour identifier les groupes sensibles au changement climatique. Parmi ces groupes taxonomiques, une deuxième étape est de définir des espèces en fonction d’une zone d’étude choisie pour sa pertinence de l’étude du changement climatique.
2.2.3. « Impact »
Cette surveillance de l’état au niveau « écosystème » a pour perspective de prendre en compte l’ensemble des impacts ou effets spatio-temporels « Impact » dont ceux dus à, ou induit par le composant « climat ». La méthode proposée est de se baser sur des indicateurs biologiques, des espèces ou groupes d’espèces dites « sentinelles » qui seront sensibles principalement au changement climatique. L’état permet la prise en compte de la vulnérabilité, de l’écart entre son niveau atteint et de son niveau limite mais aussi, de la résilience de l’écosystème. Une réponse possible d’évolution d’état « dF/dt » due à son état « F », due à l’impact. Cela introduit une non linéarité, il s’adapte en fonction de son évolution « dF/dt » est fonction de « F ». De plus, compte tenu des interactions, son niveau de vulnérabilité partiel conduit à une mise en pression de tout l’écosystème. La prise en compte de l’ensemble du cadre SWOT-DSIPR mentionné auparavant, c’est-à-dire d’un cadre avec une dynamique et des non linéarités conséquentes est nécessaire.
Trois impacts du changement climatique sur les systèmes écologiques sont reconnus dans le temps (phénologie), l’espace (aire de répartition) et « self » dit écophysiologie (physiologie et comportement).
Figure 4 : Impacts des changements climatiques sur les systèmes écologiques (modifié de(Bellard et al, 2012).
Les deux premiers axes correspondent à des réponses facilement observables chez les populations d’espèces. L’axe écophysiologie correspond à des changements physiologiques et comportementaux moins visibles qui permettent aux espèces de s’adapter aux nouvelles conditions climatiques dans le même cadre spatial et temporel .
Les espèces peuvent suivre des conditions climatiques appropriées dans l’espace. Celles que nous choisissons ont des capacités réduites de modification de leur aire de répartition. Les populations de ces espèces seront plus sujettes à la migration et au risque d’extinction locale. Selon l’évolution des facteurs abiotiques au cours du temps, les individus peuvent également répondre aux changements climatiques par leur phénologie, à savoir, le calendrier des événements du cycle de vie tels que la floraison, la fructification et les migrations saisonnières. Enfin, les espèces peuvent s’adapter aux nouvelles conditions locales. Elles peuvent modifier leur physiologie pour tolérer des conditions plus chaudes ou plus sèches ou par des modifications du comportement alimentaire, de leur activité et besoin en énergie. A défaut de s’adapter, les espèces vont disparaître localement ou globalement. Il y a donc une multitude de réponses possibles pour les espèces face aux changements climatiques .
2.2.4. « Responses »
Enfin l’étape finale du programme, pour un objectif d’application est d’évaluer l’efficacité, d’identifier les actions de mesures d’adaptation et d’atténuation du changement climatique mais également d’effectuer des actions d’explication, de sensibilisation et de médiation pour tous les publics qui agissent sur les décisions d’application des mesures notamment politiques (« Responses »).
Des prévisions précises des impacts futurs du changement climatique sur la biodiversité sont essentielles à l’élaboration de stratégies de conservation. Ces prédictions sont en grande partie des stratégies d’analyse bioinformatiques, impliquant la modélisation de chaque espèce, des groupes d’espèces telles que les types fonctionnels, les communautés, les écosystèmes ou biomes. Ils peuvent également impliquer la modélisation du développement des espèces observées, des niches environnementales, ou de processus physiologiques observés.
L’ensemble des données, des informations ainsi déterminées et agrégées conduit à des caractérisations couplées, pressions, états et impacts. Cela alimente en toute objectivité le transfert d’informations vers les acteurs des dites forces motrices (industriels, exploitants de ressources, politiques, enseignants,…) qui sont les sources de propositions, qui sont des acteurs pour mettre en œuvre une gestion, un plan de conservation, pour appliquer des éléments de réponses dans des politiques environnementales volontaires avec l’acceptation du public.
Le cadre DSIPR de base ou plus évolué permet de relativiser, d’éviter des raisonnements trop ponctuels.
3 Sources de données analysées
Les sources de données sont nombreuses : articles dans des revues internationales ou nationales, dans des revues sans comité de lecture, communications avec actes ou sans actes dans un congrès international, dans un congrès national, des ouvrages scientifiques…
La synthèse bibliographique suivante s’appuie sur les articles scientifiques reconnus au niveau international par l’indicateur de « l’impact factor » ou IF (bases bibliographiques consultées : ScienceDirect complétée par Web of science). L’Impact factor est reconnu internationalement pour évaluer la performance d’une revue scientifique. Ce facteur a été conçu par Eugène Garfield, le fondateur de l’Institut de l’information scientifique (Institute for Scientific Information) en 1960. Ces bases de données permettent d’identifier les articles les plus souvent cités et de savoir qui les a cités en utilisant les « Impact Factors ». Le facteur d’impact représente, pour une année donnée, le rapport entre le nombre de citations sur le nombre d’articles publiés par un journal, sur une période de référencement de deux ans .
En pratique, les recherches bibliographiques sont réalisées sur les articles parus jusqu’au mois de mars 2016 et par le croisement des termes suivants :
- Climate change, Impact, Effect, Biodiversity, France,
- Flora, Vegetation, Host plant, Insect, Butterfly, Dragonfly, Bombus, Amphibian, Lizard, Reptile, Mammal, Rodent, Marmota.
Ces termes ont été identifiés selon notre hypothèse de départ définissant les espèces sentinelles du climat.