Analyse des effets du changement climatique sur la biodiversité terrestre
1 Etat de la connaissance actuelle
Les publications des sciences de l’environnement sur le changement climatique et la biodiversité sont recensées à partir des années 1990. Cette période correspond :
1) au premier rapport du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur le bilan des connaissances scientifiques sur les changements climatiques et leurs possibles répercussions sur l’environnement, l’économie, la société,
2) au Sommet de la terre : Rio de Janeiro (Brésil) du 3-14 juin 1992 réunissant des chefs d’Etat autour d’une Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.
Sur la période de 1995 à 2016, selon la plateforme ScienceDirect, 2 173 articles concernent les effets du changement climatique sur les espèces végétales. 752 articles ont été recensés traitant du sujet du changement climatique et des différents taxons (insecte, amphibien, reptile, oiseau, mammifère).
La tendance générale des publications est à la hausse en fonction du temps. Trois périodes peuvent être déterminées. De 1995 à 2007 environ une dizaine d’articles par an est publiée sur le sujet. De 2008 à 2010, environ une quarantaine d’articles par an sont publiés. De 2011-2016, environ 70 articles par an sont publiés avec une année exceptionnelle en 2013 (110 articles). Ces résultats sont à associer au décalage de temps entre l’étude de terrain, les analyses des données, la rédaction et la publication qui peuvent être de 1 an à 3 ans.
Figure 5 : Nombre d’articles publiés dans des revues à impact factor, concernant le changement climatique et les taxons ciblés dans le programme, en fonction du temps.
Parmi les taxons faunistiques, le groupe insecte-oiseau-mammifère est plus étudié depuis 1995 que le groupe amphibien-reptile.
Figure 6 :Pourcentage du nombre d’articles sur le nombre total en fonction des taxons.
Les premières publications sur les amphibiens sont plus tardives et identifiées depuis 2001 et sur les reptiles depuis 2003.
Figure 7 : Pourcentage du nombre d’articles sur le nombre total par an en fonction des taxons.
Le résultat pour le taxon insecte est à relativiser car les insectes représente 80% de la faune terrestre. En comparaison avec la représentation de ce taxon dans le règne animal, il est peu étudié par rapport aux oiseaux et mammifères. Parmi les 197 articles sur les mammifères, seulement 51 concernent les micro-mammifères. En conclusion, malgré l’intérêt évoqué dans ce rapport de l’étude des groupes d’espèces à capacité de déplacement limité, ces espèces ont fait l’objet de moins de publications.
Notre compréhension générale des réponses biologiques aux changements climatiques augmente rapidement depuis une vingtaine d’années . Le changement climatique est une pression qui affectera la structure, la dynamique du fonctionnement des écosystèmes par un large éventail d’effets qui peuvent être classés selon leur nature et leurs caractéristiques: directs, indirects, induits, temporaires, permanents et cumulés.
Figure 8 : Effets du changement climatique sur les composantes de l’écosystème biotope et biocénose
Les effets directs sont les effets majeurs liés directement au changement climatique qui influent de manière non équivoque sur les processus clés des écosystèmes. Les conditions environnementales jouent un rôle clé direct dans les changements de phénologie, d’aires de répartition et d’écophysiologie. Le changement climatique affecte la phénologie d’un large éventail de taxons et devient une pression pouvant provoquer des extinctions d’espèces . Les espèces vont également changer leur répartition vers des latitudes et altitudes plus élevées. Compte tenu de ces déplacements spatiaux, les réponses spécifiques ont le potentiel de créer des décalages temporels ou spatiaux entre les espèces interagissant . En raison des interdépendances biotiques au sein des réseaux trophiques, la perte ou l’ajout d’espèces dans les assemblages de flore et de faune locales peuvent provoquer des changements en cascade dans la chaine alimentaire . Depuis 2009, une troisième réponse universelle au changement climatique a été identifiée liée à l’écophysiologie, telle que la réduction de la masse corporelle .
Les effets indirects viennent de la combinaison des effets directs, qui ont tendance à s’amplifier dans le temps et à différentes échelles. La combinaison des effets liés au changement climatique et ceux liés à d’autres perturbations telles que la dégradation et la fragmentation des écosystèmes. Les effets indirects comprennent l’adaptation du cycle de vie de l’espèce, le bouleversement des relations biotiques (concurrence, mutualisme…) affectant la chaine trophique, les interactions avec de nouveaux pathogènes des espèces invasives et la perte d’habitat.
Les effets induits sont dérivés des réponses anthropiques qui sont liées aux mesures mises en place liées aux décisions politiques. Une dynamique de publication scientifique sur le changement climatique a été identifiée depuis les années 1990 correspondant à des faits historiques scientifiques mais également politiques. La « réponse » définie par les décisions politiques est un élément indirect essentiel au développement de la connaissance sur le changement climatique. La sensibilisation et la médiation de tous les publics est ainsi un élément moteur indispensable pour orienter les décisions politiques dans le sens du développement de la connaissance.
Les effets cumulés comprennent l’interaction des effets directs, indirects, induits. les autres facteurs anthropiques vont agir en synergie positive ou négative avec le changement climatique et augmenter la pression sur la survie des espèces .
Les effets retenus pour l’analyse concernent les effets directs sur l’aire de répartition, la phénologie et la physiologie. Ces effets ont des conséquences différentes selon la vulnérabilité et la résilience des espèces allant de la létalité aiguë à sublétale.
2 La flore
Les changements à long terme des conditions environnementales par le changement climatique sont connus pour avoir des répercussions importantes sur la composition, la structure et la diversité des plantes. Ces pressions ont déjà actuellement des impacts importants . De nombreuses espèces végétales européennes pourraient être sévèrement menacées par le changement climatique. Plus de la moitié des espèces dans le monde pourrait être inscrite comme vulnérable ou menacée en 2080. La perte d’espèces modélisée montre une dépendance fortement liée aux niveaux de changement de deux variables climatiques : la température et l’humidité. Les espèces de montagnes sont particulièrement sensibles aux changements climatiques (60% de perte d’espèces). Les risques d’extinction pour les espèces végétales européennes peuvent être importants même dans le cas d’un scénario d’un changement climatique modéré . Cependant, l’adaptation et la résilience aux nouvelles conditions peuvent aussi être des données importantes de réponse d’espèces végétales . Dans cette combinaison de pressions, d’impacts et de réponses, la prédiction du risque d’extinction des espèces végétales n’est pas facile .
Les espèces végétales réagissent de façon très différente au changement climatique. Les variations d’aire de répartition, de phénologie et de physiologie des espèces conduiront à des changements inévitables d’abondance relative des espèces et de leurs interactions. Ces changements affecteront en retour la structure et la fonction des écosystèmes .
2.1 Aire de répartition des espèces végétales
Certaines espèces végétales se déplacent vers des altitudes et latitudes plus hautes . L’augmentation de la température moyenne globale de 0.85°C au siècle dernier s’est traduite par un décalage de la flore d’environ 100 km en latitude et de plus de 100 m en altitude dans les zones tempérées. Une estimation du réchauffement de 3°C seulement au cours du prochain siècle se traduirait par des changements de plus de 300 kilomètres et 500 m respectivement . Les changements de température dans certaines régions, dans des sites locaux, dépassent les moyennes mondiales, et dans certains cas, les espèces végétales répondent à d’autres variables que la température moyenne, par exemple, des températures minimales associées, des vitesses de montée en température décalées dans le temps .
Plusieurs études ont observé des changements altitudinaux de ligne d’arbres dans les zones où le climat est chaud. Une des élévations de ligne d’arbres la plus documentée concerne l’île du Sud de la Nouvelle-Zélande, où les températures moyennes ont varié d’environ 0.5°C depuis 1860. Plusieurs espèces d’arbres ont été observées des dizaines de mètres au-dessus de la ligne d’arbres la plus anciennement connue . Des changements de végétation ont été signalés dans les régions montagneuses d’Espagne . Dans les montagnes de Montseny en Catalogne, les forêts de hêtres se sont déplacées de 70 m vers le haut et sont remplacées par le chêne à basse altitude, surtout sur les pentes exposées au sud. A des altitudes moyennes, le chêne se déplace également vers des altitudes plus hautes dans les landes à Calluna. Dans le centre de l’Espagne, les communautés de prairies alpines ont été remplacées par de la végétation arbustive (en particulier Juniperus communis et Cytisus oromediterraneus) caractéristique des altitudes plus basses . Dans les Alpes scandinaves en Suède ou Scandes, les limites supérieures des espèces communes (Betula pubescens, Pinus sylvestris, Picea abies) sont passées de 75 à 375 m . Les transects permanents à mi-altitude dans cette chaine de montagne démontrent l’établissement de plusieurs espèces relativement thermophiles, telles que Alnus glutinosa, Betula pendula, Quercus robur ,… Les températures estivales ont un rôle particulièrement important dans la progression globale .
Forêt de bouleaux des Alpes scandinaves – Lars Tiede from Tromsø [CC BY-SA 2.0]
Les espèces végétales ont des réponses variables au déplacement latitudinal en réponse au changement climatique. En région méditerranéenne de France, l’abondance d’espèces rares ayant une aire de répartition essentiellement méditerranéenne n’a pas beaucoup changé depuis 115 ans, alors que les espèces avec des aires de répartition principalement eurosibériennes ont diminué de façon spectaculaire. Le déclin des espèces sibériennes a été attribué au réchauffement régional .
Les changements de végétation sont complexes et sont plus susceptibles de répondre aux profils de changements de températures, leurs niveaux extrêmes plutôt qu’aux moyennes annuelles. Le stress hydrique associé à la température est une donnée fondamentale. Cependant, d’autres facteurs environnementaux sont susceptibles d’exercer une influence et leurs effets peuvent être difficiles à distinguer de celles de la température. Ceux-ci incluent des changements de précipitations en niveau et en séquence, de l’herbivorie, des incendies et de l’occupation du sol par l’homme .
Bien que les impacts directs soient plus faciles à prévoir et à conceptualiser, il est probable que les impacts indirects soient également tout aussi importants dans la réponse des plantes au changement climatique. Les changements d’aire de répartition des espèces entraineront la compétition avec d’autres espèces végétales et l’introduction de nouvelles espèces dans un habitat et induisent une nouvelle relation de concurrence . Les changements de composition des communautés sont également une conséquence attendue du changement climatique .
Cependant, les changements d’aire de répartition sont beaucoup plus lents que d’autres évolutions telles que les changements phénologiques qui sont quasiment instantanés .
2.2 Phénologie végétale
Les événements phénologiques sont liés à des variables environnementales telles que la température. Les modifications liées au changement climatique au cours des dernières décennies (généralement à partir des années 1970 ou 1980) sont beaucoup plus importantes que celles des précédentes décennies .
Les évènements phénologiques en saison de printemps tels que la feuillaison et la floraison ont généralement été repérés à grande échelle . L’avancement moyen des phénophases de printemps est de 1-3 jours par décennie dans les régions tempérées de l’hémisphère Nord. Les phénophases de printemps ont évolué de façon plus constante que les phénophases d’été ou d’automne. Le début des phénophases de printemps montre des changements plus importants que celles de fin de printemps, ou de début d’été . Ce constat est en partie expliqué par le fait que dans la plupart des sites, les températures en hiver et en début de printemps ont augmenté plus rapidement que les températures à d’autres moments de l’année . En milieu montagnard, la période de la fonte des neiges peut être une variable importante pour les phénophases de printemps . La période de fonte des neiges est influencée par la température mais également par la quantité de précipitions et d’autres facteurs .
Les stades biologiques de l’automne, comme la coloration ou la chute des feuilles, ont été généralement retardés, cependant avec une plus grande variabilité que les stades du printemps. Les changements dans les stades biologiques en saison estivale sont mitigés. Les changements de phénophases en été et en automne sont moins cohérents que les changements de phénophases de printemps , bien que la phénophase d’automne soit en léger retard . Des observations de la fin des années 1950 jusqu’aux années 1990, dans les Jardins phénologiques internationaux en Europe, montrent que les événements de printemps ont progressé en moyenne de 6 jours et les événements de l’automne ont été retardés en moyenne de 4-5 jours .
Les changements phénologiques sont variables en fonction de la localisation géographique. Les avancées des phénophases de printemps au cours de 1951-1998 étaient généralement plus élevées en Europe occidentale qu’en Europe centrale ou orientale, une différence attribuable aux changements de circulation atmosphérique due à l’oscillation nord-atlantique . Les plus grands changements phénologiques devraient se produire aux latitudes plus élevées, où les modèles de circulation générale prédisent un réchauffement plus tôt et avec une plus grande intensité . Des données obtenues en Suisse indiquent une plus grande avancée des phénophases à des altitudes plus élevées que celles à basse altitude . A un niveau plus local, certains grands changements reflètent en partie les effets d’îlots de chaleur urbains .
Plusieurs études montrent des différences de changement phénologique entre espèces. En Europe, 31% des stades de feuillaison et de floraison ont montré des avancées significatives de la période 1971-2000 . Une étude a montré que la tendance d’avancement de la feuillaisson variera considérable entre les espèces d’arbres dominantes en Europe de 0 à 2,4 jours par décennie . 3% des stades de feuillaison et de floraison ont montré des retards importants au cours de la même période . Un facteur expliquant cette variation est la différence de période de floraison ou de feuillaison des espèces .
2.3 Physiologie végétale
Le changement climatique affectera la physiologie végétale par l’intermédiaire des changements en approvisionnement en eau ; de température de l’air; du rayonnement; et l’augmentation de concentrations de CO2 dans l’atmosphère.
Ces modifications climatiques ont un impact sur la transpiration végétale et sur la diffusion de l’eau racine-feuille. Ainsi, ces effets se combinent et peuvent avoir des impacts directs et indirects sur le cycle de l’eau . Les temps de réponse dans les régimes transitoires de diffusion sont un facteur important à prendre en compte, les analyses sont souvent abordées en régime permanent.
L’approvisionnement en eau est essentiel pour la croissance des plantes, elle joue un rôle clé dans la répartition, la structure et la composition des végétaux. La productivité primaire nette des écosystèmes est étroitement couplée à la disponibilité de l’eau . Les changements de précipitations seront variables entre les régions, plus humides pour certaines, et beaucoup plus sèches pour d’autres . Ces changements entraineront certainement des adaptations des espèces à ces nouvelles conditions. Il a été démontré une augmentation de la résistance à l’embolie de branches entre les populations d’une espèce Fagus sylvatica dans des conditions d’aridité climatique de 10%. Simultanément, le diamètre des vaisseaux a diminué de 7% et l’épaisseur de la membrane (Tm) a augmenté de 15%. Le système hydraulique de branche du hêtre a ainsi un potentiel adaptatif pour répondre à une réduction de précipitation .
Le hêtre ©Emilie Vallez, CBN Brest
L’augmentation de la température favorise de nombreux processus physiologiques, tels que la photosynthèse des plantes et sur la croissance végétale. Les durées des saisons de croissance augmentent avec les variations de température . Ces impacts auront des effets sensibles dans les systèmes climatiques en modifiant le pouvoir réfléchissant ou l’albédo de surface, la masse et l’énergie des échanges entre la végétation et l’atmosphère. Ces impacts seront particulièrement importants aux latitudes élevées de l’hémisphère Nord qui sont dominées par les forêts de feuillus et où la température impose une contrainte majeure sur la croissance et la phénologie des feuilles . La température a des impacts significatifs sur le bilan hydrique des forêts par l’intermédiaire d’un certain nombre de mécanismes directs et indirects. Elle peut ainsi influencer directement la transpiration car elle affecte la densité et la viscosité de l’eau. Les forêts ont tendance à être fortement couplée à l’atmosphère : la différence de pression de vapeur entre l’intérieur d’une feuille et l’atmosphère environnante (VPD) définie la force motrice du mouvement, caractérise la diffusion de l’eau du couvert végétal. Le réchauffement climatique augmentera le déficit de pression de vapeur entre la feuille et l’atmosphère et donc augmentera au premier ordre la force motrice de transpiration . En plus des impacts directs de la température sur VPD et donc la transpiration, une augmentation de la température pourrait également se traduire par une réduction de la densité des stomates . Les températures extrêmes peuvent être nocives au-delà des limites physiologiques optimum des espèces végétales .
Si les changements des facteurs climatiques tels que la température et les précipitations dans une région sont au-delà du seuil de tolérance et de plasticité phénotypique, de la résilience des espèces, alors les changements d’aire de répartition des espèces sont inévitables .
Le rayonnement solaire fournit principalement l’énergie pour la transpiration et l’évaporation, donc l’évapotranspiration est étroitement liée au rayonnement solaire entrant. Il est crucial pour les processus clés des végétaux tels que la photosynthèse. Des relations étroites existent entre la capacité de l’interception du rayonnement par les surfaces des feuilles, les capacités de circulation de l’eau, et la croissance finale. Une augmentation de fraction du rayonnement diffus arrivant à la canopée augmente la productivité de la canopée et conduit à une augmentation de la surface foliaire de la canopée qui se traduit par une utilisation de l’eau plus grande par unité de surface au sol et une augmentation de l’interception des précipitations. Cependant, l’augmentation de température de l’air, l’alternance des sécheresses, des précipitations et une couverture nuageuse vraisemblablement réduite, seraient aussi impliquées dans la réduction de zones limitées d’énergie, du rayonnement solaire direct, ce qui compense les augmentations de la fraction du rayonnement diffus arrivant à la canopée .
L’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère peut agir sur la photosynthèse, entraînant une augmentation, une meilleure capacité de cette photosynthèse et donc une croissance accrue qui modifie la structure et la fonction des communautés végétales . L’augmentation de la biomasse a été observée en lien à l’augmentation du CO2 . L’exposition des plantes à des taux de CO2 élevés a un certain nombre de conséquences sur la croissance et la physiologie des plantes . Les effets pertinents du CO2 élevé sont recherchés par rapport aux relations de l’eau et de la croissance des espèces végétales. Il a été établi que l’augmentation des concentrations de CO2 dans l’atmosphère a des impacts directs plutôt faibles sur les relations de l’eau des plantes . La réduction de la conductance stomatique par l’augmentation du CO2 a le potentiel de réduire l’évapotranspiration et entraîne une augmentation du stockage de l’eau du sol ou du ruissellement . En régime stable, l’augmentation en température accroît le pouvoir d’évaporation de l’air, l’augmentation de CO2 diminue la transpiration. Ce sont deux effets contraires. Le second semble inférieur en régime permanent de variation globale de température. En régime transitoire et avec sécheresse, à une échelle plus courte de temps, inférieure à la saison, la réponse des plantes à la sécheresse est physiologique, par la réponse des stomates et par le transport de l’eau racines-feuilles qui sont décalés en temps de réponse. La transpiration de la canopée tend à diminuer plus vite que la conductance hydraulique durant la sécheresse réduisant la chute de pression dans la plante. Donc l’augmentation de température sur des phases courtes est plus influente que sur des temps longs à cause des temps de réponse . La teneur en CO2 est plutôt négativement corrélée avec la composante de la conductance stomatique. Plus cette teneur en CO2 est grande et plus la conductance est faible. Le CO2 agit en sens contraire mais plus rapidement. D’où un décalage pour rattraper la montée en température .
L’évapotranspiration des plantes permet les transferts vers l’atmosphère de l’eau. Les grandes formations végétales jouent un rôle important sur le cycle de l’eau et donc sur le climat régional et mondial. Le changement climatique a un effet sur les formations végétales qui à leur tour modifient les microclimats qui sont impactés .
Cependant, dans les milieux naturels, les changements attribués à la croissance des forêts par un taux de CO2 élevé sont complexes et d’autres facteurs interagissent, par exemple des changements dans la disponibilité de l’eau, les régimes de perturbation et des co-variables des variables climatiques. Une augmentation de CO2 peut aussi conduire à modifier la chimie des feuilles et éventuellement changer la nutrition des herbivores .
Les changements observés et prévus d’aire de répartition des espèces végétales, de la phénologie et de la physiologie végétale ont des implications majeures pour les différents phénomènes écologiques et évolutifs, y compris la productivité des écosystèmes, les interactions entre espèces, la structure de la communauté, et la conservation de la biodiversité. Dans une région donnée, les plantes et les animaux répondent souvent de manière variable aux changements de température, ce qui est susceptible de changer les interactions entre les plantes, leurs pollinisateurs et les herbivores .
3 La faune
Comparée à la flore, la faune a une capacité de dispersion plus rapide. Cependant, parmi les espèces faunistiques, certaines ont des capacités de déplacement plus limitées, cela concerne des taxons d’insectes, d’amphibiens, de reptiles et de micromammifères.
Les animaux ectothermes (insectes, amphibiens, reptiles), ont des processus biologiques et écologiques qui dépendent plus fortement du niveau de température et du rythme des saisons qui en découle que chez les animaux endothermiques. Ils ont une plus forte probabilité d’extinction en réponse au changement climatique (oiseaux et mammifères).
3.1 Aire de répartition
En ce qui concerne la répartition des espèces animales, les oiseaux d’Europe, les insectes et les mammifères sont en mouvement vers le nord et vers de plus hautes altitudes en réponse au changement climatique observé . En Grande-Bretagne, au cours des 25 dernières années, 275 espèces sur 329 espèces d’invertébrés, de mammifères, d’amphibiens, de reptiles, d’oiseaux et de poissons se sont déplacées vers le nord sur 31-60 km, 52 espèces se sont déplacées vers le sud, et seulement deux n’ont pas bougé . Cependant, de nombreuses espèces, y compris les papillons, ne parviennent pas à se déplacer aussi rapidement qu’il le faudrait compte tenu du rythme actuel du changement climatique . Le changement climatique, la fragmentation de l’habitat et d’autres obstacles empêcheront le mouvement de nombreuses espèces animales, conduisant éventuellement à une baisse progressive de la biodiversité européenne. La répartition de nombreuses espèces animales sera particulièrement touchée par le changement climatique si la fragmentation du paysage entrave leur mouvement vers des zones aux conditions climatiques plus favorables. Les espèces répandues peuvent être moins vulnérables, tandis que les espèces endémiques, menacées et déjà sous pression, seront plus sujettes au risque d’extinction . Des conditions plus chaudes, en particulier des hivers chauds, permettent l’établissement de nouvelles espèces animales et végétales nuisibles et/ou invasives. Les risques sanitaires associés aux maladies vectorielles sont liés aux invasions d’espèces telles que les tiques et les moustiques .
En ce qui concerne la phénologie des animaux, le réchauffement climatique a provoqué l’avancement des cycles de vie, pour les insectes (papillons et libellules particulièrement sensibles à la température), les grenouilles, les oiseaux nicheurs et les oiseaux migrateurs. La tendance vers des températures plus chaudes peut continuer à induire une activité de reproduction et de migration plus précoce. Les évènements de froid imprévisibles sont susceptibles de causer une forte mortalité . Cependant, les saisons de reproduction sont allongées, permettant à des générations supplémentaires des espèces nuisibles de se reproduire . Ces tendances devraient se poursuivre puisque le réchauffement climatique se développera dans les décennies à venir. Les populations peuvent exploser si les jeunes ne sont pas exposés à des pressions de prédation normales . A l’inverse, les populations peuvent se bloquer si l’émergence de jeunes vulnérables n’est pas en synchronie avec leur principale source de nourriture ou si la réduction des temps d’hibernation conduit à une baisse de l’état corporel comme en témoignent les taux de survie inférieurs de certains amphibiens .
3.2 Phénologie
Les impacts futurs du changement climatique sur la phénologie des animaux restent encore mal compris, mais incluraient l’augmentation de l’inadéquation trophique et la perturbation du fonctionnement des écosystèmes. Une saison de printemps précoce peut entraîner un asynchronisme entre les sources de nourriture et de nourrissage des jeunes, ce qui provoque la famine des jeunes, et la perturbation des relations prédateur-proie . Cette incompatibilité trophique a été démontrée pour différents groupes animaux, y compris pour les oiseaux . En outre, les événements extrêmes tels que les inondations, la sécheresse et les incendies peuvent perturber les écosystèmes, ce qui empêche la croissance des espèces végétales clés. Beaucoup d’espèces de papillons se déplacent vers le nord, mais souvent avec des baisses globales d’abondance . Les interactions biotiques sont des facteurs importants pour expliquer les aires de répartition des espèces de papillons, car ils sont souvent spécifiques à leur plante hôte. La répartition actuelle de l’Apollo opacifié (Parnassius mnemosyne) est expliquée non seulement par le climat, mais aussi par la présence de sa plante hôte . Les inadéquations trophiques entre les papillons, leurs plantes hôtes et le climat, bénéficient aux généralistes au détriment des spécialistes.
Apollon © Mathieu Molières
3.3 Ecophysiologie
Plusieurs études en écophysiologie ont souligné l’importance croissante de l’étude des réponses physiologiques de l’organisme aux changements climatiques, y compris leurs limites de tolérance aux changements environnementaux. L’écophysiologie peut contribuer à une vision globale des impacts des changements climatiques sur les organismes, les écosystèmes et leurs réponses évolutives .
Les espèces et leurs stades de vie ont des plages thermiques différentes reflétant la spécialisation à des régimes de température, des caractéristiques de l’habitat et du mode de vie. Leurs limites de température peuvent être modifiées par l’acclimatation ou l’adaptation évolutive jusqu’à certaines limites spécifiques. Les réponses physiologiques vont varier entre les espèces endothermes ou ectothermes et les espèces mobiles ou sédentaires. La température affecte l’ensemble des fonctions biologiques des organismes ectothermes qui ont la même température corporelle que celle du milieu. La capacité des organismes à se déplacer ou à surmonter les barrières géographiques peut limiter les organismes à suivre le déplacement des zones climatiques et donc les rendre plus sensibles aux effets physiologiques. Selon les espèces, les effets des changements climatiques sont sublétaux ou létaux. La caractérisation de ces deux types d’effets sur les espèces est une condition préalable à la prédiction des effets écologiques sur les organismes, les populations et les espèces. Les individus exposés aux changements climatiques peuvent atteindre un état qui est au-delà de leur capacité à maintenir l’homéostasie, leurs performances de croissance, de reproduction et leurs comportements ou à se défendre contre des stress biotiques et physicochimiques .
En conséquence des perturbations du fonctionnement de l’organisme, la fitness, l’aptitude à s’adapter peut être réduite. Les populations risquent de perdre la variabilité génétique, et l’extinction devient probable . La compréhension et l’explication de ces phénomènes doit impliquer la détermination des effets combinés et interactifs des facteurs limitants, des tolérances et des aires de répartition des espèces, agissant sur les caractéristiques physiologiques . Ils doivent également impliquer la connaissance de la plasticité individuelle à changer ces limites dans le temps, ainsi que le taux et les limites de l’adaptation évolutive à les modifier au fil des générations .
Diverses approches conceptuelles et de modélisation traitent des questions de réaction thermique en se basant sur les limites de tolérance thermique des organismes . Cependant, ces approches ne permettent pas d’identifier les mécanismes physiologiques et biochimiques sous-jacents aux différents niveaux d’organisation biologique. Les efforts récents pour comprendre la sensibilité du climat des ectothermes dans le domaine marin ont conduit au développement du concept de la limitation de l’oxygène et de la capacité de tolérance thermique (OCLTT). Ce cadre relie l’organisation et les différents niveaux de l’écosystème à l’organisme, aux tissus, aux cellules et aux molécules et de prédire la réponse des espèces au stress thermique . Le concept OCLTT vise à identifier les mécanismes de réaction thermique des espèces marines et de leurs stades de vie en fonction de l’échelle de température. Il met l’accent sur la température comme force motrice essentielle des impacts du changement climatique sur la biocénose, par des moyennes, des extrêmes, la variabilité de l’évolution des températures ainsi que ses interactions avec d’autres facteurs. Cette hypothèse est étayée par des observations de laboratoire et sur le terrain . Les études en biologie thermique ont souvent mis l’accent sur l’impact de l’évolution des valeurs moyennes sur les organismes, mais la variabilité de la température peut également agir comme une force sélective . Cela souligne la nécessité pour le développement parallèle des approches théoriques et expérimentales, d’autant plus que les expériences ne peuvent pas prendre en compte tous les aspects de phénomènes complexes .
L’étude de la physiologie permet de caractériser les effets sublétaux et létaux, les capacités de réponses, les facteurs qui affectent et limitent l’aire de répartition, la plasticité phénotypique, l’adaptation génétique, et les stratégies d’histoire de vie aux changements climatiques .
Les changements physiologiques agissent sur les deux autres effets biologiques (la répartition spatiale et la phénologie), et donc sur l’équilibre et la synchronisation des niveaux trophiques et la structure des communautés d’espèces .